Les praticiens des professions paramédicales peuvent pousser un «ouf» de soulagement. Le projet de loi 45-13 organisant leurs activités, bloqué depuis trois ans au sein de la Commission de l’enseignement et de la culture de la Chambre des conseillers, est sur le point de sortir du tunnel.
En effet, un consensus sur l’article 6, qui constitue la pomme de discorde, est finalement trouvé. Sa formule sera présentée par le ministre de la Santé, Anass Doukkali, sous forme d’amendement et adopté par cette commission aujourd’hui lundi.
Le reste des articles du projet de loi devront passer comme une lettre à la poste. Selon l’article 6, l’opticien-lunetier délivre au public des articles d’optique destinés à corriger ou à protéger la vue. Préalablement à leur délivrance, il réalise l’adaptation et l’ajustage desdits articles au moyen d’instruments de contrôle nécessaire. Il délivre des produits d’entretien et de conservation des lunettes et des lentilles de contact ainsi que les produits de leur humification.
Toutefois, l’opticien-lunetier ne délivre aucun dispositif médical d’optique sans prescription médicale dans les cas suivants: pour les sujets de moins de 16 ans, l’acuité visuelle inférieure ou égale à 6/10 après correction, les amétropies fortes et presbyties en discordance avec l’âge. C’est cet article qui avait mis le feu aux poudres et alimenté les tensions entre les opticiens et les ophtalmologues. Ces derniers étaient montés au créneau pour dénoncer «l’exercice illégal de la médecine» par les premiers.
En réalité, le torchon brûlait entre les deux sur la réfraction. Dans la réglementation en vigueur, une exception interdit à l’opticien de donner des lunettes à un enfant de moins de 16 ans s’il ne dispose pas d’une ordonnance médicale. Après cet âge, l’opticien était en mesure de procéder à la réfraction et donner des lunettes aux patients.
Les ophtalmologues ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, l’opticien ne peut délivrer des lunettes sans une prescription médicale. Les opticiens refusaient cette lecture en faisant valoir les droits que leur accorde la loi de 1954. Pour sortir de l’impasse, le ministère a proposé aux protagonistes une porte de sortie.
En effet, l’article 6, objet du blocage, sera complétement changé. Son arbitrage repose sur une chose: l’habilitation à faire la réfraction et délivrer des lunettes sera tranchée par un texte réglementaire.
Cette formule a été validée par le Secrétariat général du gouvernement. Ainsi, c’est le gouvernement qui vient au secours du Parlement, en lui enlevant une épine du pied. Dans cette affaire, le ministère de la Santé dispose de toutes les données, des études et des cadres nécessaires pour convaincre les deux protagonistes sur la formule définitive à retenir pour le contenu du décret d’application, selon un parlementaire.
Le projet de loi 45-13 relatif à «l’exercice des professions de rééducation, de réadaptation et de réhabilitation fonctionnelle» concerne 8 métiers différents qui gravitent autour de la pratique de la médecine. Il s’agit du kinésithérapeute, de l’opticien lunetier, de l’orthoprothésiste, de l’audioprothésiste, de l’orthoptiste, de l’orthophoniste, du psychomotricien et du pédicure-podologue. Les articles de 7 à 12 définissent le contenu de chaque profession. C’est donc un texte qui concerne des milliers de professionnels.
Le projet apporte plusieurs nouveautés dont leur organisation et leur encadrement pour clarifier leurs missions. Ainsi, à titre transitoire et en attendant la création d’un Ordre professionnel, ceux qui exercent dans le secteur privé sont tenus de se constituer en une association nationale. Cette dernière sera notamment chargée de représenter ces professions auprès de l’administration et de contribuer à l’élaboration et à l’exécution de la politique de la santé dans les secteurs.
L’association professionnelle nationale donnera également son avis et fera des propositions sur les sujets qui lui sont soumis par l’administration. Autre mission: en coordination avec les établissements de l’enseignement supérieur et ceux de la formation professionnelle, elle doit participer à l’organisation des cycles de formation continue en faveur des personnes exerçant dans les secteurs régis par cette loi.
Le contrôle des locaux d’exercice de ces professions n’est pas en reste. Ils sont soumis à des inspections périodiques, sans préavis, effectuées par des fonctionnaires assermentés de l’administration. Lorsqu’une infraction est constatée, le ministère adresse une mise en demeure pour faire cesser les violations constatées dans un délai fixé selon leur ampleur.
Si le délai est dépassé et l’infraction n’est pas corrigée, l’autorité judiciaire sera saisie en vue d’engager des poursuites. Toutefois, lorsque l’infraction relevée est de nature à porter atteinte à la santé et à la sécurité des patients, le ministère peut demander au président du tribunal d’ordonner la fermeture du local dans l’attente du prononcé du jugement.
Selon les dispositions diverses et transitoires, il est indiqué que les avis favorables délivrés par le SGG avant la date de publication de cette loi dans le Bulletin officiel sont validés et considérés comme des autorisations d’exercer les professions concernées.
Sanctions
Le projet de loi prévoit une série de sanctions pour ceux qui exercent illégalement l’une des 8 professions concernées. L’article 41 détaille les différentes situations et peines de prison pouvant aller de 1 à 3 mois ou de 3 mois à 2 ans, selon les cas. Tout ce dispositif est assorti d’amendes de 5.000 à 20.000 DH ou de 5.000 à 10.000 DH. Les personnes peuvent être également condamnées à une interdiction temporaire ou définitive d’exercer la profession.
Par Mohamed CHAOUI | Edition N°:5524 Le 27/05/2019 |
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