la gravité de faire passer la loi 45-13

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Je voudrai tirer une sonnette d’alarme sur la gravité de faire passer la loi 45-13 avec des prérogatives réduites pour l’opticien, notamment lui soustraire le droit de délivrer des verres sans ordonnance.

En effet, le lobby des médecins ophtalmologistes privés a fait pression sur le Ministre de la santé et sur la chambre des représentants pour enlever aux opticiens ce droit qu’ils exerçaient depuis plus de 65 ans à travers le Dahir de 1954 réglementant le métier d’opticien-lunetier. En tant qu’opticiens, nous militons pour la santé visuelle des citoyens et le droit de chacun de bien voir indépendamment des moyens matériels dont il dispose.
Nous voulons attirer l’attention sur les éléments suivants :
1. Nombre insuffisant des ophtalmologistes du secteur publique : Leur nombre est de 149 seulement réparti sur tout le Maroc, ce qui fait que cela induit des rendez-vous qui peuvent dépasser un an.

2. L’ophtalmologie est une spécialité chirurgicale, donc les centrer sur les activités à forte valeur médicale comme la pathologie et la chirurgie permettrait de mieux servir la population, de prévenir et de guérir les maladies causant la cécité : cataracte, glaucome, décollement de la rétine, rétinopathie diabétique …. au lieu d’utiliser ce “temps médical” précieux à des activités de réfraction et de prise de mesures appelée “réfraction” qui sont des activités de science physique que l’opticien, à travers sa formation, maîtrise parfaitement.

3. Impact sur la population démunie : Selon les rapports de la cour des comptes, il y aurait presque le tiers de la population sans couverture médico-sanitaire, équivalent à 10 millions, cette catégorie de la population bénéficiait de la délivrance des verres sans ordonnance par l’opticien sans devoir ni engorger les hôpitaux publiques, ni débourser une consultation chez l’ophtalmologiste.

4. Impact sur les finances des caisses de prévoyance : Une grande partie de la population ayant une couverture médico-sanitaire se contentait de bénéficier de la compétence de l’opticien pour lui faire une mise à jour de sa compensation optique et ne se souciait pas du remboursement. Si la loi exige une prescription médicale, cette catégorie va bénéficier du remboursement de la prescription en plus du remboursement des lunettes alors qu’une partie ne s’en souciait pas.

5. La “réfraction” est un acte non médical car c’est une mesure se basant sur les sciences physiques pour déterminer la puissance d’un œil et compenser son défaut, l’opticien met des verres “devant” les yeux et non pas à l’intérieur des yeux.

6. Adéquation de la formation au profile du métier : L’opticien a eu un cursus de formation respectant un cahier de charges stricte comprenant l’optométrie – science de la réfraction – et même la pathologie pour pouvoir déceler, détecter et référer aux ophtalmologistes les cas urgents sans pour autant les diagnostiquer.

6. L’Organisation Mondiale de la Santé : Selon les estimations de l’OMS basées sur une étude de 2017(1), les principales causes de déficiences visuelles sont : 
Les défauts de réfractions non corrigés : ( 53% des déficiences visuelles et 21% des causes de cécité) 
La cataracte : (25% des déficiences visuelles et 35% des causes de cécité)
Le glaucome : (2% des déficiences visuelles et 8% des causes de cécité) 
La DMLA : (4 % des déficiences visuelles)
La rétinopathie diabétique : (1% des déficiences visuelles)

7. Les personnes à risque : Selon la même étude (1), l’OMS a défini les personnes à risque comment étant les personnes âgées de 50 ans et plus et les enfants de moins de 15 ans. Donc, ces personnes doivent avoir toute l’attention nécessaire à travers la sensibilisation des professionnels de santé qui les suivent : Pédiatres pour les enfants, Endocrinologue pour les personnes diabétiques, Généralistes assurant le rôle de médecin de famille, Généralistes agréés pour l’examen du permis de conduire ….

C’est pour toutes ces raisons que nous sollicitons l’avis objectif de la cour des comptes sur l’impact qu’aurait la réduction des prérogatives, que le Dahir de 1954 autorisait aux opticiens, sur la santé visuelle des citoyens et sur les fiances publiques. Nous sommes pour une efficience des dépenses pour un pays qui en a fortement besoin.

Nous croyons dans l’objectivité de la cour des comptes, dans ses prises de position et les avis qu’elle émet pour l’intérêt du citoyen et du pays loin des intérêts corporatistes, politiques et pécuniaires.

Youssef Belmamoun
Opticien à Rabat

(1) Bourne RRA, Flaxman SR, Braithwaite T, Cicinelli MV, Das A, Jonas JB, et al.; Vision Loss Expert Group. Magnitude, temporal trends, and projections of the global prevalence of blindness and distance and near vision impairment: a systematic review and meta-analysis. Lancet Glob Health. 2017 Sep;5(9):e888–97.

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